Internet, vecteur de l’engagement vert

    Sous la poussée de la conscience écologique, l’environnement est devenu à la mode et à intégré les législations, à travers le protocole de Kyoto ou la Responsabilité Sociale et Environnementale des entreprises (RSE) par exemple. L’environnement est devenu une partie intégrante de la communication institutionnelle (corporate communication).

    Nombre de sites de grandes institutions y vont donc de leur rubrique « Environnement » ou « Développement Durable » (1). Mais la qualité, voire la réalité, de cet engagement n’est pas toujours au rendez-vous, et les accusations de « green washing » commencent à se multiplier et à inquiéter les entreprises.

    Parallèlement, les sites et les blogs orientés écologie ou Bio fleurissent un peu partout. Ce phénomène, aussi utile et fondé sur de bonnes intentions soit-il, participe à la croissance de la consommation électrique du web.

Internet, une croissance énergivore.

     Entre 2000 et 2005, la consommation des serveurs a doublée (Environnemental Protection Agency, 2007), pour représenter 0,8% de l’électricité mondiale.

Entre 2000 et 2005, la consommation électrique des serveurs du monde a doublé Environnemental Protection Agency, 2007 (9)

     Sans même tenir compte de la consommation des parcs informatiques qui se connectent à internet, l’internet est déjà un poste énergétique en très forte croissance. Si l’on envisage la totalité du matériel informatique, c’est 10% de la production électrique de l’Europe qui est concernée selon certains (Le Journal Du Net, 11).

    A une échelle plus restreinte, le poste informatique c’est 386 kWh/an et 7% de la consommation électrique d’un foyer français (Enertech, 2008) (12).
L’informatique, et l’internet, est donc un important poste de la consommation électrique en pleine croissance.

    Or la consommation d’énergie pose les questions des émissions polluantes engendrées, notamment en termes de gaz à effet de serre, et de la durabilité de la ressource énergétique. GreenIT.fr (2) rappel à ce propos que l’informatique représente 2% des émissions de CO2, soit autant que le trafic aérien.

Internet, un outil formidable au service de l’environnement

    Ne diabolisons pas pour autant la toile qui, en tant que vecteur massif d’informations dans le monde, permet d’économiser par ailleurs de grandes quantités d’énergie. L’accessibilité à l’information, les télécommunications (visio-conférence), etc. évitent de nombreux déplacements et améliorent considérablement l’efficacité des process industriels.

    Comme F. Bordage le rappelle, une « grille de distribution d’informations intelligente » basée sur les NTIC a réduit la consommation électrique d’une usine indienne de 15% ! (13). Et ce n’est qu’un des multiples exemples de l’utilité de l’informatique et de l’internet, bien évidement. Je pourrais aussi vous parler du calcul partagé, de BOINC et de ClimatePrediction, mais cela mériterait un billet spécifique.

    Alors, comment cueillir les fruits du web, démontrer son engagement (dans le cas des entreprises) tout en limitant les effets néfastes engendrés ?


Vers un internet durable ?



    La réponse se décline selon 3 axes : réduction de la consommation, recours à des énergies durables/propres et compensation des émissions de CO2. L’ensemble des technologies et des services qui concourent à ceci sont rassemblés sous le terme de GreenIT (« technologies de l’information vertes »).

Réduire la consommation

     L’énergie la moins chère et la moins polluant est celle que l’on ne consomme pas (NégaWattt)
     Suivant cette logique, la première démarche nécessaire pour « verdir » l’internet est de limiter la quantité d’énergie utilisée : lutte contre le gaspillage, accroissement de l’efficacité énergétique et rationalisation des usages.
Des solutions matérielles, logiciels ou organisationnelles peuvent être mises en place (et le sont déjà parfois).


Hitachi Green Datacenter model par UDScorp, CC

    Certains hébergeurs, ou encore Google, choisissent ainsi d’utiliser des serveurs plus optimisés pour réduire la consommation énergétique globale (fonctionnement et refroidissement). Ils réduisent par la même occasion leurs coûts d’exploitation et leur empreinte environnementale.

    Côté logiciels, le choix du système d’exploitation et de logiciels utilitaires peut privilégier les économies d’énergie. Par exemple, les systèmes d’exploitation « light », comme Linux, pour les serveurs et les ordinateurs portables, beaucoup moins gourmands en ressources que leur cousin Vista. Autre exemple, les « Logiciels écolo pour une informatique durable » (8) dont je vous ai parlé sur ce blog. Ceux-ci vous assistent pour mieux gérer l’alimentation de vos ordinateurs et donc réduire la consommation d’énergie.

    Enfin, une organisation rationnelle, comme la concentration de plusieurs serveurs virtuels grâce à la virtualisation, assure un fonctionnement efficient sans gaspillage électrique.

De l’énergie renouvelable dans le web

     Il est possible d’utiliser des énergies renouvelables (EnR) de 3 façons :

1. En devenant producteur d’EnR, à l’instar de Google qui a installé des panneaux solaires sur le toit de son « Googleplex » (3).
Mais cette démarche n’est pas la plus aisée pour une PME ou un particulier.

2. En souscrivant aux services d’une compagnie d’électricité spécialisée dans les EnR. Avec l’ouverture du marché de l’électricité, il est désormais possible en France de choisir son fournisseur. Certains fournisseurs, comme Enercoop, ont misé sur les énergies renouvelables pour séduire et fidéliser les consommateurs qui veulent s’engager dans un mode de vie plus vertueux.
Une société peut donc ainsi alimenter de manière durable son parc informatique ou ses serveurs.

Des renouvelables dans le GreenIT, par S. Rezk CC

3. En achetant des certificats verts qui justifient de l’origine renouvelable de l’électricité. C’est ce que propose par exemple la société WattImpact, qui a adapté spécifiquement ces certificats aux sites internet (4). Ces certificats attestent que la quantité d’électricité consommée correspond à une quantité identique d’électricité renouvelable injectée dans le réseau.

(En France, ces certificats sont émis par l’institut français d’émission Observ’ER, membre de la RECS (Renewable Energy Certificate System) International Association, qui rassemble les négociants de certificats verts d’Europe. Plus d’info sur EcoloWatt (5) )

Compenser les émissions de carbone

     Enfin, le dernier élément de solution est la compensation des émissions de CO2 produites par l’électricité utilisée.
Cette compensation se base sur le principe que la pollution en gaz à effet de serre est un phénomène global : une émission de X tonnes de CO2 ici peut être compensée par une séquestration de X tonnes de CO2 là. La capture et le stockage du CO2 peut se faire en plantant des arbres, en améliorant des infrastructures pour les rendre moins émettrices, en créant de nouvelles production d’EnR, etc.

Un arbre pour compenser ses émissions carbone par D. Pike, CC.

    Certaines ONG, comme GoodPlanet (7), proposent ainsi de compenser vos émissions, tandis que des sociétés telle que MoveNeutral, se spécialisent dans la compensation des sites web.

    Cependant, cette théorie est juste sous réserves que cette compensation se fasse en même temps que les émissions (pour éviter que l’effet de serre n’ait lieu) et qu’elle soit pérenne et sans effet de report. C’est bien là qu’est le problème de la compensation.

    Pour mieux comprendre le fonctionnement de la compensation carbone et, surtout, ses limites, lisez cet article très bien expliqué de J-M Jancovici (6).

    La compensation demeure intéressante en dernier recours, APRES avoir réduit au maximum la consommation et utilisé des énergies propres. Elle complète les émissions résiduelles dans le cadre d’une stratégie environnementale/énergétique globale.


Conclusion


    Un internet plus respectueux de l’environnement et capable de survivre à l’épuisement des hydrocarbures ou de l’uranium est donc possible, est même déjà à notre portée. Ce web vert allie intelligence et rationalité de la conception avec une utilisation vertueuse et responsable de l’énergie. Une telle stratégie serait une preuve concrète de l’engagement environnemental affiché par quantité de sites institutionnels ou commerciaux. De même, à une moindre échelle, pour les blogs écolo des amoureux de la nature.

Sources et plus d’informations :

(1) A. Bastide, 26/10/07. Développement durable: les sites internet des grandes entreprises ne sont pas verts! Indexel.net
(2) GreenIT.fr, le site francophone du greenIT.
(3) Google, 19/06/07. Google investit dans l’énergie propre et les technologies vertes.
(4) WattImpact, pour des sites web plus respectueux de l’environnement.
(5) Greenpeace, Juin 2007. EcoloWatt, Comparatif écolo des fournisseurs d’électricité.
(6) J-M Jancovici, Janvier 2008. La « neutralité » CO2 : vraie bonne idée ou mise de doigt dans l’œil jusqu’au coude ? Manicore.com
(7) Action Carbone de GoodPlanet.org
(8) G. Macqueron, 22/01/09. Logiciels écolo pour une informatique durable. Blogalwarming .
(9) Jonathan G. Koomey, 15/02/07. ESTIMATING TOTAL POWER CONSUMPTION BY SERVERS IN THE U.S. AND THE WORLD. EPA [disponible en ligne et en PDF]
(10) JF Maquiné, 19/12/06. CO2 et informatique : le point de vue des sites informatiques, Onversity
(11) Le Journal Du Net. L’informatique verte.
(12) Enertech, juillet 2008 in F. Bordage, 07/11/08. Informatique : 386 kWh par an et par foyer. GreenIT.fr
(13) F. Bordage, 02/12/08. Le syndrome des 2%. GreenIT.fr
(14) MoveNeutral, Move Responsibly Into A Carbon Neutral Future.
Crédits illustrations:
(1) Environnemental Protection Agency, 2007
(2) HDScorp (CC)
(3) S. Rezk (CC)
(4) D. Pike (CC)