La pollution lumineuse, c’est quoi ?


    Pollution lumineuse : luminosité du Ciel produite par la dispersion de la lumière artificielle dans le gaz et les particules de l'atmosphère. (ANPCN ; 1)

    La pollution lumineuse est en grande part causée par l’éclairage publique, mis en place dès les premières cités (rendu obligatoire en France par Louis XIV, en 1477) (9), pour assurer la sécurité des usagers de la voie publique. Dans les 70, les « villes lumières » se sont imposées, avec une vision esthétique et markéting de cet éclairage : illuminations de noël, façades des monuments mis en valeurs, vitrines commerciales inondant de lumière ses produits… Cette lumière nocturne qui anime les villes est désormais bien intégrée dans les mentalités. Tout comme la peur du noir ! (MEEDDAT, 2008 ; 0)

    Mais le monde change. La lumière n’est plus uniquement symbole de modernité et de sécurité. C’est aussi une nuisance dans les chambres à coucher, pour l’astronomie ainsi que pour les insectes, les chauves-souris, les arbres, etc. qui ne savent plus à quel astre se vouer.

    L’État Français a donc décidé d’agir : fin octobre 2008, l’article 36 du projet de Grenelle 1 est voté. Désormais, les émissions de lumière artificielle « de nature à présenter des dangers ou à causer un trouble excessif aux personnes, à la faune, à la flore ou aux écosystèmes, entraînant un gaspillage énergétique ou empêchant l'observation du ciel nocturne » feront l'objet de mesures de prévention, de réduction ou de suppression. (J-B Feldmann, 2008 ; 2)

    Heureusement, la pollution lumineuse, à la différence de bien d’autre, est instantanément réversible, pourvu que l’on adopte des éclairages et des usages rationnels. (JP Sivan, 2002 ; 4).


Les effets de cette luminosité malvenue


Sur le ciel

    Selon l’atlas mondial de Cinzano de la clarté artificielle nocturne, la progression des halos lumineux nocturnes en Europe est de 5% par an. 90% des étoiles ont disparues du ciel des métropoles ! (M. Court, 2008 ; 3)

    L’observation du ciel devient depuis la terre devient de plus en plus difficile, comme le montre l’exemple de l’Observatoire de Meudon, installé au XXème siècle dans un lieu réputé pour la noirceur de ses nuits, désormais rosâtre.

    Nous obtenons les premières photos de planètes extrasolaires, situées à des années-lumière, et nous ne voyons plus qu’un dixième des étoiles du ciel. Quel paradoxe !

Illustration : New York, la nuit (wikipedia commons http://fr.wikipedia.org/wiki/Image:Empire_State_Building_Night.jpg)

Sur la faune et la flore

    Selon la ligue ROC (P. Jouventin ; 6), presque la totalité des grands groupes animaux sont affectés par ces lumières nocturnes :

*Insectes : Les mâles verts luisant ne retrouvent plus leur dulcinée et l’espèce court à sa perte ; les papillons de nuits s’épuisent contre les lampes à vapeurs de mercure, hypnotisés par leurs ultra-violets.

*Oiseaux : les pigeons et étourneaux se nourrissent plus longtemps et peuvent se multiplier ; certains oiseaux migrateurs qui se guident aux étoiles s’égarent. On estime 1 à 10 millions le nombre d’oiseaux tués par an rien qu’à Toronto (9).

*Amphibiens : aveuglées, les grenouilles ne distinguent plus les proies des prédateurs.

*Reptiles : Des tortues marines ne retrouvent plus les plages pour se reproduire et meurent sur les routes de Floride.

*Mammifères : les chauves-souris, en voie de disparition et protégés par la loi, fuient les lieux illuminés.

    En outre, la grande majorité des organismes, dont l’homme, ont des cycles biologiques déterminés par la variation de l’alternance jour-nuit au cours des saisons. Terre Sauvage donne une bonne illustration des dérèglements subis avec une photo où l’on voit un arbre dont la ramure entoure un réverbère. En automne, toutes ses feuilles sont tombées, à l’exception de celles, encore vertes, autour de ce lampadaire.

    L’ensemble des écosystèmes est donc perturbé par les lumières excessives de la nuit, ce qui se traduit parfois par une dégradation du confort des habitants lorsque les populations de pigeons ou d’étourneaux se multiplient.

Sur la santé humaine

    Comme le déclaré J-F Doré, médecin à l’agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET)  « On sait qu'il y a un effet, mais l'impact exact est loin d'être cerné et les mécanismes sont loin d'être élucidés. » (M. Court, 2008 ; 3). La piste la plus suspectée est la modification des rythme biologique, et donc du système hormonal qui en dépend. Il est envisager que la modification de la perception jour/nuit provoque des troubles de sécrétions de la mélotonine, impliquée dans le vieillissement, le développement de tumeurs, la tension, la libido.... (MEEDDAT, 2008, 0).

    Enfin, il y a les dangers d’accidents dus à l’aveuglement provoqué par certains éclairages nocturnes. Des accidents mortels sont survenus à causes d'éclairages mal placés, ou de leurs reflets.

Un gaspillage d’énergie

    30 à 50% de la lumière des éclairages public sont gaspillés inutilement (JP Sivan, 2002 ; 4). Cela représente 4% des émissions de gaz à effet de serre française et presque 50% de la facture énergétique des communes (Katia, 2008 ; 5). Aux USA, le coût de ce gaspillage est estimé par la International Dark-sky Association à 1,5 milliards de $ par an (9).


Quelles solutions ?


    Il ne faut pas éclairer moins, mais mieux
, comme le rappelle la secrétaire d’état à l’écologie Nathalie Kosciusko-Morizet. Des mesures simples en matière d’éclairage ne porteront pas préjudice à la sécurité ni au confort des habitants mais apporteront de nombreux avantages pour la santé humaine, l’environnement, l’observation du ciel et pour les finances (économie d’énergie, donc d’argent).

    Le principe de base est d’éviter autant que possible d’éclairer le ciel directement ou par diffusion. Cela revient à utiliser des éclairages directionnels dirigés vers le bas.

     Par ailleurs, les systèmes économes en énergie (basse tension, LED…) limitent la quantité de lumière pouvant diffuser dans le ciel et réduit la consommation énergétique. Lille à ainsi réduit sa facture énergétique de 35% tout en assurant un éclairage plus efficace (9).

    Le recours aux régulateurs, comme les minuteries, les détecteurs de présence ou les variateurs de lumière, est aussi recommandé.

    Enfin, certains types d’ampoule ont moins d’effets négatifs sur la faune ou sur l’observation astronomique (Lampe à sodium basse pression, par exemple).

    Pour plus de détails, consultez JP Sivan, 01/03/02 (version d’avril 2007). La pollution lumineuse et l’Observatoire de Haute Provence. [Disponible en ligne à http://www.obs-hp.fr/www/pollution/rapport/rapollum.html]


Exemple de modification des éclairages publique pour réduire la pollution lumineuse et le gaspillage énergétique.

Source : La pollution lumineuse et l’Observatoire de Haute Provence. [Disponible en ligne à http://www.obs-hp.fr/www/pollution/rapport/rapollum.html] (4).


Ce qui se passe ailleurs


    Les premiers États à légiférer sur la pollution lumineuse sont l’Arizona, en 1986, suivi vers la fin des années 90 et début des années 2000 par d’autres états américains (1999), des régions italiennes (97-2000), le Chili, la République Tchèque (2002), et plus récemment la Belgique et le Royaume-Uni (2006).

    De son côté, la commission internationale de l’éclairage a mis en place une norme sur la lumière intrusive, mais celle-ci, complexe, est peu utilisée.

    Avec le Grenelle de l’Environnement, la France se lance à son tour dans cette voie.


Conclusion

 
   La pollution lumineuse est un phénomène très récent, quelques décennies seulement, et le terme lui-même de « pollution lumineuse » n’est apparu que dans les années 80. A cause de cela, les conséquences de cette pollution ont peu été étudiées, et encore moins prises en compte, jusqu’à présent.

    En outre, la lumière est un symbole très fort de modernité (Siècle des Lumières, Fée électricité, Ville Lumière) et de sécurité (peur du noir, dangers nocturnes). La lumière est aussi séductrice. Elle est donc utilisée pour des raisons esthétiques et markéting.

    Mais cette illumination nocturne est synonyme de gaspillage d’énergie et donc de pollution. Elle masque un patrimoine mondial, la voie céleste. Elle perturbe de nombreuses espèces, dont certaines déjà menacées par ailleurs ou ayant une importance particulière pour les écosystèmes. La pollution lumineuse est aussi suspectée d’avoir un effet sur la santé humaine, en déréglant ses rythmes biologiques et son système hormonal.

    Heureusement, la pollution lumineuse est instantanément réversible, pour peu d’adapter les éclairages et leurs usages. La prise de conscience récente de ce phénomène est donc prometteuse d’une nette amélioration à venir.

Sources :

Les documents précédés d’un astérisque (*) sont les plus approfondis.

Vous retrouverez ces sources sur mon delicious, rubrique Pollution_Lumineuse.

Pollution lumineuse et législation :

Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire (MEEDDAT), 24/09/08. Projet de loi Grenelle de l’environnement : vers une reconnaissance de la pollution lumineuse. [Disponible en ligne à http://www.developpement-durable.gouv.fr/]

(0)    *MEEDDAT, 23/09/08. Dossier de presse : Projet de loi Grenelle de l’environnement : vers une reconnaissance de la pollution lumineuse. [Disponible en ligne à http://www.developpement-durable.gouv.fr/]

(1)    Association Nationale pour la Protection du Ciel Nocturne (ANPCN). Gène lumineuse. [Disponible en ligne à http://www.astrosurf.com/lcorp/pol.htm]

(3) M. Court, 30/09/08. Une loi pour réglementer la pollution lumineuse, Le Figaro.fr. [Disponible en ligne à http://www.lefigaro.fr/sciences/]

(2) J-B Feldmann, 09/11/08. Enfin une loi contre la pollution lumineuse. Futura-Sciences. [Disponible en ligne à http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/astronomie/d/enfin-une-loi-contre-la-pollution-lumineuse_17229/]

(5) Katia, 27/09/08. Agir contre la pollution lumineuse de l’éclairage nocturne. Agoravox. [Disponible en ligne à http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=44923]

 

Le point de vue des astronomes :

(4) *JP Sivan, 01/03/02 (version d’avril 2007). La pollution lumineuse et l’Observatoire de Haute Provence. [Disponible en ligne à http://www.obs-hp.fr/www/pollution/rapport/rapollum.html]

Les effets sur la faune et la flore :

 (6) *P. Jouventin. Éclairage nocturne et pollution lumineuse, Ligue ROC. [Disponible en ligne à http://www.roc.asso.fr/protection-faune/pollution-lumineuse.html]

(7) Terre sauvage

Dossiers pollution lumineuse :

(8) *C. Magdelaine. La pollution lumineuse. Notre-planete.info. [Disponible en ligne à http://www.notre-planete.info/environnement/pollulumi.php]

(9) *Collectif wikipédia, le 01/11/08. Pollution lumineuse, Dossier wikipédia [Disponible en ligne à http://fr.wikipedia.org/wiki/Pollution_lumineuse].