Pourquoi faire un herbier ?
Par Gregoire Macqueron le mardi, novembre 4 2008, 13:26 - Environnement & Développement durable - Lien permanent
L’herbier est une collection de plantes séchées. La constitution d’un herbier peut être un simple hobby, mais c’est aussi bien plus que cela. A la fois outil d’apprentissage et source de données pour l’étude de la flore, l’herbier nécessite une discipline rigoureuse dans son élaboration et de nombreux soins dans sa conservation. Face aux outils technologiques modernes de la recherche, cet exercice est un peu tombé en désuétude alors qu’il représente un outil précieux dans l’étude de la biodiversité.
Créez votre herbier et redécouvrez cet art ancien, cette
passion et par la même occasion la botanique.
Mais quels sont vraiment les usages de l'herbier ? Et comment en élaborer un ?
Qu’est-ce qu’un herbier ?
Un herbier est une collection de plantes séchées montées
sur un support cartonné. Chaque spécimen récolté est accompagné de son nom et
de renseignement sur sa récolte.
Le mot « herbier » désigne aussi l’établissement qui rassemble et conserve ces collections dans un objectif de recherche et de préservation du patrimoine.
A quoi sert un herbier ?
Un herbier est à la fois un hobby, un instrument
d’apprentissage de la botanique et une source de données pour la recherche. Pour
ma part, c’est la réalisation d’un herbier en prépa agro puis en licence qui a
éveillé mon intérêt pour la botanique ^^.
Le travail rigoureux déployé pendant la récolte, la description et la détermination forment en effet un processus stimulant d’observation et de mémorisation. Le résultat final quant à lui constitue une base visuelle pour se rafraîchir la mémoire. sans compter l'effet esthétique
Par ailleurs, cette base de données et de spécimens peut devenir un outil pour mieux connaître la répartition des plantes et leurs variations.
L’herbier est alors pour le scientifique une banque de données, un instrument de détermination (comparaison d’un spécimen avec d’autres herbiers, voire avec le type, autrement dit avec le spécimen qui a servi à définir l’espèce) et un outil d’étude de la biodiversité, comme le précise T. Daget (1).
Banque de données biométriques, pharmacologiques et phytogéographiques. Les herbiers permettent aussi de revenir sur les études et affirmations et de déceler des erreurs de localisation ou de détermination. Une erreur qui peut avoir fait croire à l’existence, et à la disparition d’espèces qui n’ont jamais existées à un endroit donnée !
Contrairement à ce que le grand public peut penser, il est bien plus utile de placer dans un herbier des plantes communes que des plantes rares, comme le précise E. Dodinet, dans sa synthèse de 2002 pour Tela Botanica (2) :
« Mais attention, botanistes amateurs ou expérimentés, contrairement aux idées reçues et comme le fait remarquer Peter A. SCHÄFER, il n'y a que peu d'intérêt de mettre une plante rare en herbier. Si l'on arrache le seul individu, l'herbier ne fait pas office de preuve de l'existence de la plante à l'endroit indiqué. De plus, en France, les plantes rares sont déjà très bien connues et, dans ce cas, la photographie est une meilleure solution pour en conserver un souvenir personnel.
Par contre, les plantes communes cachent encore beaucoup de données ignorées : leur répartition détaillée, leur variabilité, etc. Par exemple, le Cytinus hypocistis, qui a fait l'objet de discussions sur cette liste, est commun dans l'Hérault, mais personne ne sait réellement où, ni quand, ni comment... »
Que le néophyte n’hésite donc pas à placer ses moindres trouvailles dans son herbier, elles peuvent en effet êtres utiles pour l’étude de la biodiversité ordinaire.
Comment réaliser son herbier ?
Si vous vous lancez dans un herbier, autant bien le
faire, et ce, dans les règles de l’art scientifique. Attention, ne ramassez pas
des tonnes de plantes qui finiront abimées, moisies, séchées n’importe commun,
sans nom et dans un tas de papier journaux au fond d’une malle ! Qui va piano va sano e va lontano : qui
veut allez loin et sainement, va lentement.
- Commencez donc par vous assurer que le spécimen est en bon état et qu’il n’est pas protégé. Puis ne le récoltez que s’il est accompagné d’autres spécimens pour ne pas détruire la population. Sinon, contentez-vous de le prendre en photo. Une photo est toujours intéressante pour donner une idée de la coloration et du port original de la plante.
- Cueillez-le alors et placez-le dans un compartiment protecteur (Tupperware par exemple). A l’aide des autres plants, déterminer l’espèce et prenez en notes les informations nécessaire pour la future étiquette : auteur, lieu et date, environnement (sol, lumière, relief, humidité…), état (jeune, sénescent…) et éléments non observables sur l’herbier (couleur, texture, odeur…), localisation (lieu-dit, longitude/latitude, altitude ou GPS si possible), numéro.
- N’hésitez pas en cas de doute à confronter votre détermination avec d’autres botanistes ou à d’autres herbiers !
- De retour chez vous, placez-le dans une presse, avec son numéro pour pouvoir l’associer ensuite à son espèce et son étiquette. Le site du Jardin botanique de la Colombie-Britannique (3) présente comment réaliser et utiliser une presse et une étiquette.
- Surveiller son séchage (changer de papier absorbant si besoin, Attention à ne pas perdre le numéro).
- Enfin, montez-le sur une planche (bristol, canson) avec du papier gommé, des bandelettes ou, moins bien, du scotch. Associez l’étiquette correspondante, numérisez-là éventuellement pour créer un herbier virtuel (4) comme l'herbarium de Kew, et protégez le tout (feuille cristal, chemise…).
Tout ceci représente beaucoup de travail et il est donc illusoire de ramasser d’un coup une cinquantaine de plants. De même, pour éviter que cet investissement soit gâché, il faut dès le début suivre des règles rigoureuses. Mais cette démarche vous apprendra beaucoup sur la flore et vous fournira, qui sait, de beaux sujets d'encadrement
Alors, êtes-vous convaincus de l'intérêt d'un herbier ? Sauterez-vous le pas ?
-----------------------------------------------------------------
Sources:
(1)
Philippe Daget, juin
2002. Un
herbier pour quoi faire ? Le Courrier de l'environnement
n°46, juin 2002 , http://www.inra.fr/dpenv/dagetc46.htm
(2) Elisabeth DODINET - décembre 2002. Pourquoi faire un herbier ? Conseils pratiques pour sa réalisation. Tela Botanica - Le réseau des Botanistes Francophones http://www.tela-botanica.org/page:herbier
(3) Jardin botanique et centre de recherche sur les plantes de l’Université de la Colombie-Britannique. Fiche d’information sur les herbiers in« Botany John : l’héritage d’un botaniste canadien ». http://botanyjohn.org/fr/outils-educatifs/fiche-information-herbiers
(4) Alessandro Conti, 20/01/2004. Créer un herbier virtuel, pourquoi pas ? Bio Tiques, http://bdp.ge.ch/biotiques/biospip/article.php3?id_article=8
Illustrations :
(1) G. Macqueron : Carte herbier, réalisée sous Cayra d’après Esprit Cabane http://www.espritcabane.com/idees-deco/herbier-fleurs.php
(2) Herbier de G. Macqueron, 26/07/2004. Inula pulicaria, Montaigu-la-Brisette.
(3) Herbier de G. Macqueron, 10/07/2004. Matricaria chamomilla, Montaigu-la-Brisette.