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mercredi, août 8 2012

Revues de transfert et de diffusion - Note de lecture

En creusant le thème des revues de transfert et de diffusion, je suis tombé sur un rapport canadien intitulé La science, comment s’y retrouver ? – Revue systémique des écrits sur le transfert de connaissances en éducation (2008).

À la lecture de ce document, il apparaît que la spécificité de ce type de revues est son lectorat : elles s’adressent à un public d’utilisateurs, de praticiens. C’est le cas par exemple de la revue Sciences Eaux & Territoires de l’IRSTEA (ex-Cemagref).

Ce lectorat cible conditionne donc la stratégie de diffusion et de construction d’une base d’abonnés. La présence en kiosque, l’existence d’un tarif « jeune » (à moins de viser des étudiants-futurs praticiens) ne semble pas être les meilleurs choix, tandis que viser les institutions, les professionnels, les centres de documentation technique est plus judicieux.

Ce qui suit est destiné à aider les éditeurs de ce type de revues à se concentrer sur l’essentiel pour accroitre la qualité de leurs revues et augmenter leur diffusion: les objectifs de la revue, les facteurs de réussite du transfert et de la diffusion des connaissances, ce qui doit être transférer et la manière de la faire

Résumé de La science, comment s’y retrouver ?– Revue systémique des écrits sur le transfert de connaissances en éducation (2008, Canada, 47p).

La_science_comment_s_y_retrouver.PNG

L’objectif du transfert de connaissance :

(p37-39) Sur le plan individuel : le but est de rompre l’isolement des praticiens (entre eux, avec la recherche), de favoriser l’acquisition de connaissances, l’amélioration des pratiques et des performances (et donc la conservation et la préservation de la nature pour les revues sur les sciences de la nature) et le développement personnel et professionnel, le partage d’expériences & de connaissances, l’ouverture au changement et à la prise d’initiative.

(p39-41) Sur le plan organisationnel : l’objectif est la création et l’intensification des contacts et collaborations Chercheur-Utilisateur et Utilisateur-Utilisateur (sources de motivation et amélioration pour les deux), l’amélioration des performances environnementales des organismes, l’amélioration de la gestion des ressources (utilisation des outils, aide à la décision éditoriale) des agents de liaison.

Les facteurs de réussite

Selon le rapport canadien, les éditeurs des revues de transfert et de diffusion sur les sciences de la nature sont des agents de liaison (« gestionnaires », autres exemples possibles : Fédération des parcs naturels, Fédération des conservatoires, FNE…) entre les chercheurs et les praticiens. Les facteurs de succès indiqués sont :

Des facteurs individuels (p6) :

  • l’expérience personnelle en matière de transfert de connaissance (passé dans l’édition, dans le journalisme scientifique, dans le milieu universitaire scientifique ?). Le corolaire est la participation favorisée par la structure aux conférences en communication & transfert, en recherche scientifique (p26-27) ;
  • la capacité cognitive (formation supérieure, capacité à réfléchir et à jugé face à l’info, faire de la veille) (p27) ;
  • le capital relationnel (son réseau et sa capacité à agir, en particulier les liens avec la recherche et les praticiens) (p27-29) ;
  • les facteurs personnels (motivation & enthousiasme, intérêt et attitude positive envers la recherche, « leadership du transfert », ouverture au changement, etc.) (p29).

Des facteurs organisationnels :

  • les caractéristiques organisationnelles : culture favorable aux contacts avec les chercheurs et praticiens, formalisation et centralisation moindre, climat d’appui de la structure et des collègues, expérience du milieu de la recherche (p30) ;
  • les ressources organisationnelles déployées pour le transfert (stratégie, processus, gestion, clients, etc.) : ressources humaines (internes) et financières (physiques), temps consacré à la lecture, à la compréhension et à l’utilisation des infos (p30-31) ;
  • les réseaux de contacts : favoriser et être à l’écoute des échanges entre chercheurs et utilisateurs, soutien externe (lien avec le milieu de la recherche –universités, laboratoires et instituts–, avec le milieu académique & scolaire via des communautés de pratique, fichiers abonnés et presse, partenaires…) (p31) ;
  • les politiques organisationnelles pour soutenir le transfert : soutien et reconnaissance, formation continue en recherche scientifique, etc. (p31-32).

Les étapes du transfert de connaissance de l’agent de liaison

Cf. p. 21-25, tableau 3 p. 24.

La réception des connaissances :

Un bon agent de liaison doit être capable de reconnaître la valeur de l’information récoltée (grâce aux comités de relecture experts par exemple ?) et être capable de faire remonter les besoins des praticiens (Peut-être via le courrier des lecteurs et l’incitation à écrire à la rédaction, par des enquêtes/sondages, par l’écoute des tendances & travaux sur ces besoins ?).

L’adoption des connaissances :

L’éditeur doit pouvoir avoir sa propre idée sur la valeur de l’information, sur sa pertinence pour les praticiens, et donc pouvoir choisir de retenir/mettre en valeur une information (grâce aux connaissances du secrétaire de rédaction, du rédacteur en chef, du comité de relecture).

Ex. d’info à exploiter : une connaissance propre à une discipline (botanique, zoologie…), des bonnes pratiques et des échanges de pratiques pour innover, une connaissance pratique, une réponse aux questions et enjeux actuels.

Idée pour ces 2 points : former un comité de lecture ou de conseils dans le choix des articles/sujets/dossiers rassemblant chercheurs et praticiens (enseignant, documentaliste, technicien-conservateur, étudiant en master, etc.). Cela peut se faire par des réunions, des webconférences via skype, une liste de discussion, un forum, etc.

Autre possibilité : dynamiser une communauté de lecteurs pour avoir un max. de retours (avis sur ce qui est publié, tant sur le fond que la forme, suggestions de sujet/dossier, attentes et questions des lecteurs, etc.). Cela peut être fait avec les mêmes outils ou encore avec un blog, une association locale de lecteurs…

3e voie : les échanges avec les pairs, avec les autres acteurs du transfert et de la diffusion (autres revues –ex : Espaces naturels–, sites web –ex : ornithomedia.com ; Tela botanica–, centres de documentation, éditeurs –EDP Sciences–, Fédération des conservatoires, etc.) via des rencontres, séminaires, ateliers, courriels, rapports…

L’adaptation des connaissances :

C’est la capacité à transformer l’info fournies par des chercheurs pour la rendre accessible et utilisable par les praticiens (ex : en jouant sur le format d’article, le vocabulaire, en traduisant des textes, en les synthétisant, en les illustrant d’infographies…).

Ex. d’accessibilité : être disponible facilement (dans les centres de documentation des praticiens, sur Internet, dans la presse professionnelle…), adopter un langage clair, sans ambigüité et illustré d’exemples concrets.

Ex. d’utilisabilité : être en concordance avec le contexte des utilisateurs (valeurs, expériences, structure, ressources disponibles).

La dissémination des connaissances vers les praticiens :

C’est la capacité à transférer les résultats de la recherche adaptés vers les praticiens.

Ce qui est transféré

Les connaissances à privilégier, car recherchées par les praticiens, sont celles destinées à l’enseignement & à la formation (cours et programmes), à réduire les risques au cours des prises de décisions (« données probantes »), à mieux se représenter son environnement professionnel (des concepts et des données) et enfin à améliorer les relations interpersonnels (mieux comprendre les différents praticiens-partenaires et mieux communiquer avec eux).

Les mécanismes de transfert

2 mécanismes sont efficaces : ceux d’information et ceux d’interaction (tableau 5 p38).

Mécanismes d’information

(p35-36) C’est la captation des connaissances de la recherche sans interaction personnelle avec d’autres acteurs. C’est notamment la veille informationnelle auprès des producteurs de connaissance (recherche et expérimentations de praticiens) et la dissémination via la documentation des bonnes pratiques et les innovations à destination des praticiens (support technologique, document écrit, article scientifique, bulletin d’info, guide de bonnes pratiques...).

Mécanismes d’interaction

(p36-37) Ce sont les mécanismes d’échanges entre chercheurs et praticiens, via des alliances & collaborations inter-organisations qui permettent de faire remonter les besoins des utilisateurs et de transmettre les résultats des recherches, ainsi que d’évaluer ces résultats et de favoriser leurs applications.

C’est aussi un moyen de partager les expériences des praticiens, de les intégrer dans une réflexion collective et de les conceptualiser.

Les moyens sont la formation, la collaboration et l’apprentissage qui en découle. Le rôle de l’agent de liaison est alors de faire connaître et d’inciter à participer aux formations, aux projets de collaborations ou de participation à la recherche, aux ateliers d’échanges, aux séminaires & conférences, aux réseaux…

Idée : mettre l’accent sur ce dernier point dans l’agenda des revues ; dans la rubrique Publications ; en tirer des articles (compte-rendu, témoignage, présentation) ?

Idée de partenaires en sciences de l’environnement : les organismes de formations (ATEN, CNFPT, lycées techniques, IUT-IUP-Universités et écoles d’ingénieur en agronomie…) ; réseau de praticiens IDEAL Biodiversité, l’UICN, FNE, FPNR, RNF, Rivages de France, etc. ; organismes de recherche : Muséum, INRA, IRSTEA, Universités & laboratoires, Sociétés savantes (et la FFSSN), IFREMER

Référence

Landry, R., Becheikh, N., Amara, N., Ziam, S., Idrissi, 0., & Castonguay, Y.. La recherche, comment s’y retrouver ? Revue systématique des écrits sur le transfert de connaissances en éducation. Québec : Ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport, Gouvernement du Québec, 2008.

dimanche, août 5 2012

Revue scientifique, revue de vulgarisation ou revue de transfert et diffusion ?

Quelle est la différence entre ces trois types de revue ? Elle est dans le lectorat ciblé et donc dans les objectifs attendus vis-à-vis de ce lectorat. Ceci conditionne ainsi le contenu des revues et la forme adoptée par leurs articles.

Revue à destination des scientifiques

La revue scientifique, en dehors de parler de science, ce qui est évident, s’adresse aux scientifiques. Sa mission est donc de transmettre des savoirs à des spécialistes.

Nature_-_Revue_scientifique_-_no1-1869.jpg

Nature, revue scientifique née en 1869 - Couverture du n°1. © Nature - Source: Wikipédia
Cette revue est l’une des revues scientifiques internationales les plus prestigieuses.

Elle doit donc respecter les principes de la démarche scientifique: hypothèse de départ suite à une observation, référence aux travaux antérieurs validés, expérimentation reproductible, collecte de des résultats, analyse et interprétation, discussion sur les limites des conclusions obtenues. Ces principes, rigoureux, sont nécessaires pour pouvoir ensuite prouver les assertions d’un chercheur. Sans cela, ce ne serait plus de la science.

La structure des articles scientifiques découle de cela et c’est cette rigueur qui, hélas, rend les rend en général si indigeste, même si certains chercheurs peuvent exceller dans la rédaction d’article ch… , comme le montre K. Sand-Jensen dans How to write consistently boring scientific literature (découvert via Enro).

Revue pour le grand public et les néophytes

La revue de vulgarisation vise un tout autre public (quoique…): la société dans son ensemble, c’est à dire le grand public. Celui-ci s’intéresse à la science, ou on lui inculque des éléments de connaissance scientifique pendant son éducation, parce qu’il vit dans un monde complexe et éminemment scientifique: effets positifs ou (parfois “et”) néfastes des médicaments, des produits de nettoyages, des additifs alimentaires, des émissions des matériaux ou des machines, de l’environnement… Désormais, le discours des décideurs, des commerçants, des médias s’appuie et utilise, parfois à mauvais escient, sur la science pour présenter et expliquer leurs actions. Le citoyen a donc besoin d’être en mesure de comprendre ce qu’on lui “vend” et, plus difficile encore, de trier le bon grain de l’ivraie dans tout le discours qu’on lui sert.

La_Hulotte_-_revue_de_vulgarisation_nature_no_97.jpgLa hulotte, revue de vulgarisation le plus lu dans les terriers. © La hulotte
L’humour des textes et des dessins est l’un des principaux moyens de médiation de cette revue.

C’est ici qu’intervient la vulgarisation –ou médiation– scientifique, notamment au travers de la revue de vulgarisation. Le contenu de cette revue doit donc être accessible à ce public dont les connaissances scientifiques sont limitées, au moins dans certains domaines (et ce même pour un chercheur, un biologiste n’étant souvent guère familier avec la physique quantique). L’essentiel du travail est donc dans l’écriture d’un texte qui parle au lecteur: facile et agréable à lire, en phase avec la réalité des lecteurs, avec de nombreux exemples concrets, etc. sans oublier les illustrations, en particulier les infographies ! Tout est fait pou faciliter la compréhension du sujet scientifique: ses enjeux, ses applications, ses limites.

Revue pour les praticiens

Dernier type de revue, celui des revues de transfert et de diffusion. Ici, le public est l’utilisateur des résultats de la recherche et des réflexions. On parle aussi de revue professionnelle ou de revue technique.

Le lecteur est donc un technicien, un décideur ou encore un passionné qui est déjà familier avec le sujet et qui cherche à en apprendre plus sur la question et les acteurs impliqués, à améliorer ses pratiques, à découvrir de nouveaux outils et méthodes et la façon de les utiliser. Il est aussi source d’informations par le partage de ses expériences et par le retour terrain qu’il apporte aux chercheurs en termes de besoins et de problématiques.

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Sciences Eaux & Territoires est la revue de transfert de l’IRSTEA (ex-Cémagref). © IRSTEA

Le langage des articles est donc très souvent technique et orienté vers l’application des savoirs et technologies ou bien vers la connaissance du milieu d’application, des relations entre les acteurs de ce milieu, etc.

Pour terminer, retrouvez un tableau synthétique de l'UQAM des différences de valeur informative entre ces types de revues, avec une classification légèrement différente :
  • périodique spécialisé (revue scientifique/savante); 
  • périodique professionnel (revue technique/de métier);
  • périodique d'intérêt général (revue d'info/vulgarisation);
  • périodique populaire (revue grand public/magazine).